Conférence de presse: La gentrification a aggravé la situation des locataires du Sud-Ouest de Montréal

 

Montréal, le 10 novembre 2014 – Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), le POPIR-Comité Logement et le Regroupement Information Logement de Pointe Saint-Charles estiment que la situation des locataires du Sud-Ouest de Montréal s’est gravement détériorée entre 2006 et 2011.

Les trois organismes accusent la « gentrification », qui affecte de plus en plus ce secteur d’être en large partie responsable de cette situation. Ils ont fait cette affirmation, lors de la présentation des données locales du Dossier noir sur le logement et la pauvreté publié par le FRAPRU. Ces données proviennent pour la plupart d’une commande spéciale faite à Statistique Canada à partir de l’Enquête nationale auprès des ménages menée par cet organisme gouvernemental en 2011.

« Le premier constat que nous pouvons tirer de tous ces chiffres est assurément la progression marquée du taux de propriété dans le Sud-Ouest », estime Marie-José Corriveau, responsable des dossiers montréalais au FRAPRU. Ce taux est en effet passé de 28 % en 2006 à 34 % en 2011 dans le Sud-Ouest. Dans le quartier Saint-Henri, il est passé de 18 % à 26 %.

Mme Corriveau estime que l’apparition de condominiums luxueux dans le secteur, en particulier le long du Canal Lachine, a contribué à la hausse des loyers: « Entre 2006 et 2011, le loyer médian a augmenté de 28 % dans Petite-Bourgogne, de 16 % dans Pointe-Saint-Charles et de 15 % dans Saint-Henri ». Elle ajoute que le revenu médian des ménages locataires n’a pas du tout suivi la même trajectoire. Dans tous les quartiers, il a beaucoup moins progressé que les loyers, le pire exemple étant celui de Saint-Henri où il n’a augmenté que de 1 % en cinq ans.

Les problèmes explosent

C’est ce qui explique, selon Patricia Viannay, organisatrice au POPIR-Comité Logement, que le nombre de locataires en très grande difficulté financière a littéralement explosé dans le Sud-Ouest : « La statistique la plus frappante est l’augmentation de 38 % entre 2006 et 2011 du nombre de ménages locataires consacrant 80 % et plus de leur revenu pour se loger. Un ménage locataire sur 10 est maintenant dans cette situation inimaginable dans le Sud-Ouest de Montréal. »

Mme Viannay ajoute que le nombre de locataires payant plus que la norme de 30 % de leurs revenus pour se loger s’est accru de 9 % dans le Sud-Ouest et, celui des ménages y engouffrant plus de 50 %, de 24 % : «  Dans tous les cas, l’aggravation a été beaucoup plus forte qu’à l’échelle de Montréal ou de tout le Québec ». Elle précise qu’au total 9000 ménages paient un pourcentage trop élevé de leur revenu en loyer dans le Sud-Ouest de Montréal.

Des statistiques plus détaillées permettent de constater que, parmi les ménages les plus à risque, on retrouve de très fortes proportions de personnes seules, de locataires âgés entre 15 à 24 ans ou de plus de 75 ans et de ménages issus de l’immigration récente qui n’ont pas la chance de vivre en logement social.

Heureusement qu’il y a le logement social

Pour sa part, Marie-Christine Gagnon, organisatrice au Regroupement Information Logement de Pointe Saint-Charles, note qu’il se construit toujours beaucoup plus de condominiums que de logements locatifs dans le Sud-Ouest de Montréal : « Entre 2011 et 2013, à peine 418 appartements de location ont été mises en chantier dans un vaste secteur comprenant tous les quartiers du Sud-Ouest, en plus de Verdun, Lachine, Lasalle et Dorval. Les mises en chantier d’unités de condominiums, elle, ont été de 2877. C’est 7 fois plus! Depuis le début de 2014, il s’est construit 16 fois plus de condos que de logements locatifs »

Mme Gagnon estime que la forte proportion de logements sociaux dans le Sud-Ouest a empêché que la situation des locataires y soit encore plus catastrophique : « Un tiers des ménages locataires du Sud-Ouest vit dans un logement social, qu’il s’agisse d’une coopérative, d’un logement sans but lucratif ou d’un HLM. Imaginons comment le sort des locataires se serait aggravé sans ce parc de logements protégé de la spéculation. Le logement social est la voie à privilégier, si on veut que de nouveaux logements locatifs à bas loyer apparaissent dans nos quartiers et que les locataires actuels soient moins en péril. »

Les organismes de lutte pour le droit au logement ont insisté pour que le gouvernement québécois continue à financer de nouveaux logements sociaux et qu’il le fasse en beaucoup plus grand nombre. Le POPIR-Comité Logement et le Regroupement Information Logement réclament pour leur part 4000 logements sociaux de plus pour le Sud-Ouest et promettent d’interpeler leur députée, Marguerite Blais, si des engagements en ce sens ne sont pas rapidement confirmés.